Nos Thèses

La responsabilité du chef de l'Etat

Thèse soutenue par Mme Mouna KRAEÏM-DRIDI le 28/10/2005
Codirection des professeurs Rafaâ BEN ACHOUR et Jean GICQUEL de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

dridimouna@yahoo.fr


Voir aussi le mémoire de DEA de Mme Mouna Kraïem-Dridi : Le principe de l'irresponsabilité du chef de l'Etat en droit constitutionnel comparé


* Résumé (speech de la soutenance)
cliquez ici pour visualiser le plan de la thèse

 

Le chef de l’Etat est-il infaillible ? Le Chef de l’Etat est-il surhumain ? Nous serions tentés de le croire. En effet, les constitutions de très nombreux pays que nous avons étudiées minimisent la notion de responsabilité du chef de l’Etat. Elles mettent plutôt  en avant son irresponsabilité et son immunité. Une telle situation peut-elle continuer à être d’actualité ? Nous avons constaté lors des dernières années une amorce de changement de cette approche de la notion de responsabilité. Nombreux sont les chefs d’Etat en exercice ou sortants qui ont été poursuivis, une cour pénale internationale a été créée…Cette nouvelle dynamique nous a amenée à examiner les contours juridiques de la responsabilité du chef de l’Etat au moyen des textes constitutionnels et internationaux qui en ont marqué l’évolution et les cas les plus significatifs de mise en œuvre de cette responsabilité enregistrés à travers l’histoire des différents pays. Nous aurions aimé que l’exemple tunisien soit davantage développé, mais il faudrait reconnaître que la particularité de notre pays qui a connu deux présidents depuis l’indépendance qui furent respectivement les artisans de l’indépendance et du changement, événements qui excluent d’imaginer toute idée de voir leur responsabilité engagée, voire envisagée au niveau de la constitution. D’où l’absence de matière significative pour les besoins de la recherche.


Le travail proposé se voudrait d’une portée plus concrète que théorique, l’objectif recherché étant, avant tout, de s’arrêter sur les réalités profondes qui s’opposent à la concrétisation de la responsabilité du chef de l’Etat tant sur le plan national qu’international.

 

Le choix du sujet nous a été dicté par l’évolution à la fois qualitative et quantitative de la notion de responsabilité du chef de l’Etat, d’abord perçue durant une longue période sous l’angle de l’irresponsabilité pour prendre, par la suite, une forme plus engageante avec l’émergence d’un droit international qui élargit le champ des poursuites à l’encontre du chef de l’Etat soupçonné de crimes dépassant le cadre théorique de la haute trahison infraction prévue dans la plupart des constitutions internes.

 

A cela s’ajoute le fait que la littérature quoique assez abondante en la matière, ne traite pas de la globalité du sujet, les études existantes se rapportant à des aspects déterminés de la responsabilité du chef de l’Etat tels que l’engagement, la notion de haute trahison, la cour pénale internationale ou à des affaires particulières survenues dans le monde comme celles impliquant Pinochet, Nixon, Clinton.

 

Outre les considérations ayant trait au choix, nous avons estimé que le sujet présentait un intérêt certain quant aux conséquences de la mise en œuvre de la responsabilité du chef de l’Etat. Celle-ci souffre, en effet, de l’absence d’un processus pratique précis susceptible de conduire à la  concrétisation de ladite responsabilité et de l’insuffisance de moyens efficients pour lutter contre l’impunité des chefs d’Etat impliqués dans des crimes de grande gravité .

 

La thèse comprend deux parties traitant respectivement de la responsabilité du chef de l’Etat au niveau national et international. Evoquer l’un ou l’autre des 2 aspects aurait été inimaginable et n’aurait même pas retenu l’attention il y a une vingtaine d’années aussi bien en droit constitutionnel qu’en droit international. Il n’était nullement question de responsabilité mais d’irresponsabilité. C’est en travaillant sur cette dernière notion d’irresponsabilité dans le cadre de notre mémoire de DEA en droit public et financier que nous avons découvert que le principe d’irresponsabilité était entrain de subir une métamorphose et que la responsabilité aussi bien constitutionnelle qu’internationale était en train de réduire le champ du principe sacro-saint de l’irresponsabilité. les deux parties comprennent chacune deux chapitres subdivisés chacun en deux  sections…Nous tenons à préciser que cette subdivision qui n’implique nullement une opposition dans l’approche du sujet a été dictée tout simplement par la nature des rares textes qui régissent la responsabilité objet de la thèse, les deux parties nous paraissent tout à fait complémentaires.

Dans la première partie consacrée à la responsabilité du chef de l’Etat au niveau national, l’accent est mis en ce qui concerne l’engagement de cette responsabilité sur son caractère politico-pénal, la plupart des infractions ayant pour trait commun l’imprécision ( haute trahison, violation de la constitution…). Rares sont, en effet, les infractions qui ont reçu une définition dans le code pénal ; tout s’est passé comme si les constituants avaient craint de définir de manière précise et détaillée la responsabilité pénale du chef de l’Etat, c’est dire le caractère politique de celle-ci.

 

Afin de pouvoir agir impartialement et sans risque, le chef de l’Etat ne saurait être poursuivi ni pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions ni pour les actes antérieures ou sans rapport avec les dites fonctions. Ce n’est qu’à l’issue de son mandat que le chef de l’Etat redevient le justiciable comme les autres, « qu’il n’avait cessé d’être qu’à titre temporaire », pour reprendre les termes du rapport de la commission de réflexion sur le statut pénal du président français, dite commission avril.

 

La protection accordée au chef de l’Etat ne devrait pas, à notre avis, être sans limites ou, du moins, ne devrait pas couvrir toutes les infractions détachables des fonctions que le chef de l’Etat aurait commises avant ou au cours de son mandat. Il convient d’établir une distinction selon la gravité des faits qui lui sont reprochés, quitte à en préciser la nature et le degré.

 

Ou bien ces faits sont suffisamment graves et le plus important est d’interrompre le mandat grâce à l’engagement de la responsabilité politique. Ou bien il ne le sont pas et il n’y a pas lieu de perturber le fonctionnement des institutions.

 

Comme pour l’engagement de la responsabilité du chef de l’Etat, la mise en œuvre de celle-ci doit faire face à des contraintes politiques.

 

En effet, bien que la défense suprême de la souveraineté nationale exige de réprimer tout crime commis susceptible de présenter un danger pour la société, la procédure de mise en œuvre de la responsabilité présente un caractère particulier qui se distingue du droit commun.

 

Les poursuites contre un chef d’Etat ne peuvent normalement être déclenchées que par une résolution de mise en accusation dont l’initiative appartient, dans tous les pays, aux représentants de la nation dans son ensemble ou à l’une des chambres sous certaines conditions. A la lumière des exemples français et américain traités ( affaires Chirac et Clinton), nous avons constaté que l’enjeu politique fut déterminant quant à l’opportunité de la mise en œuvre de la procédure de mise en accusation.

 

Il en est de même de l’instruction dont le déroulement obéit à des considérations essentiellement politiques.

 

Il convient de noter, à ce propos, l’importance du témoignage du chef de l’Etat dans la mesure où ce témoignage ne peut s’accompagner d’aucune mesure de contrainte et doit s’effectuer dans des formes qui respectent la dignité et l’éminence des fonctions du chef de l’Etat.

 

Quant aux sanctions susceptibles d’être prononcées à l’encontre du chef de l’Etat, elles revêtent un aspect plus politique que pénal puisque la procédure aboutit toujours à la destitution. Ceci explique l’impossibilité, à l’exception de quelques cas, de juger un chef d’Etat durant l’exercice de ses fonctions ; il n’en est pas de même lorsque le mandat prend fin, le chef de l’Etat devenant un citoyen ordinaire, donc passible du droit commun.

 

Les textes constitutionnels ne contiennent aucune disposition relative aux conditions de la mise en œuvre de la responsabilité politique du chef de l’Etat devant le peuple. Cette responsabilité existe pourtant dans les faits, notamment en cas de réélection quoique celle-ci ne traduit pas forcément le soutien des électeurs à l’élection politique passée. L’exemple de la réélection du président Chirac en 2002 est édifiant à ce sujet, car plutôt motivée par le rejet de l’extrémisme incarné par son adversaire Jean-Marie le Pen, le score de 19% obtenu au premier tour traduisant bien le désaveu de sa politique.

 

Il y a aussi le cas du référendum qui peut conduire à la démission du Chef de l’Etat avant le terme de son mandat, mais la décision de lier son sort au résultat d’une consultation référendaire est laissée à la discrétion du chef de l’Etat et ne constitue pas une obligation constitutionnelle.

 

Permettez-moi de dire que pour le développement des idées qui précèdent, le recours à l’exemple français a été dicté par la richesse du sujet sur le plan à la fois historique et bibliographique. Faut-il signaler, en effet, que l’on compte une dizaine de référendums ou plébiscites de 1789 à 1940, sans oublier celui de 1969 qui a entraîné le départ du général De Gaulle et qui a été l'exemple caractéristique de la responsabilité assumée devant le peuple. Quant à celui de mai 2005 relatif à la nouvelle constitution européenne, le président Chirac a dissocié le résultat du référendum de son mandat.

 

Il existe également des moyens informels de mise en jeu extra- juridique de la responsabilité du chef de l’Etat et qui traduisent le sentiment de mécontentement des citoyens à l’égard de leurs gouvernants.

 

Les contestations s’expriment par des manifestations publiques pacifiques ou parfois violentes et dont les conséquences politiques ne sont pas toujours prévisibles. Il peut arriver, en effet, que cette arme à double tranchant se retourne contre ses auteurs soit par la répression,  soit par l’échec.

 

La responsabilité du chef de l’Etat au niveau international est l’objet de la deuxième partie de la thèse.

 

Le chef de l’Etat possède la particularité d’incarner l’Etat, notamment à l’étranger. Ce statut privilégié a conduit le droit international à lui reconnaître des immunités qui, quoique non contestées dans leur principe général, sont, cependant, l’objet d’un débat quant à leur objet et à leur application. L’avènement de la cour pénale internationale constitue une avancée majeure à ce sujet faisant en sorte que le chef de l’Etat, malgré les immunités dont il bénéficie, se retranchera de moins en moins derrière la raison d’Etat pour s’exonérer d’une responsabilité personnelle internationale.

 

Le sens du mot immunité rejoint la signification usuelle qui fait appel à la notion de protection. L’immunité tend ainsi à empêcher  le contrôle des actes et de leurs effets, l’objectif étant de permettre l’exercice, en toute indépendance, des fonctions attribuées à la personne.

 

A l’origine du système immunitaire s’appliquant à la personne du chef de l’Etat se trouvait la nécessité de protéger une souveraineté personnelle renforcée par un caractère sacré ou religieux ; mais, à l’époque contemporaine, ce qui légitime la protection du chef de l’Etat dans ses rapports avec la puissance étrangère ne fait plus référence au sacré. C’est l’Etat qui est le titulaire de l’immunité et le chef de l’Etat n’en est que le bénéficiaire. Par conséquent, le principe de la souveraineté de l’Etat traduit par la maxime latine par in parem non habet imperium empêche qu’un chef d’Etat, représentant et incarnant cette souveraineté étatique, puisse être jugé par son égal et traduit devant les juges d’un pays étranger car, tel que l’a rappelé la cour d’appel d’Alger dans son arrêt du 22 janvier 1914, « prétendre soumettre les chefs d’Etat au droit de juridiction et de commandement du juge d’un pays étranger serait évidemment violer une souveraineté étrangère et blesser en partie le droit des gens ». Néanmoins, et tel que cela ressort aussi bien de la doctrine que de la jurisprudence, l’accent est plutôt mis sur la qualité de chefs d’Etat en tant qu’individus- organes de l’Etat. Par conséquent d’autres critères sont souvent invoqués pour fonder l’immunité. Il s’agit principalement de la théorie de l’intérêt de la fonction consacrée par l’institut de droit international dans sa résolution du 26 août 2001 sur les immunités de juridiction et d’exécution du chef de l’Etat et de gouvernement en droit international, par les tribunaux internes étrangers et par la CIJ dans son arrêt du 14 février 2002 dans l’affaire du mandat d’arrêt du 11 avril 2000. Ce principe permet au chef de l’Etat d’agir de manière indépendante et efficace dans l’intérêt tant de l’Etat concerné que de la communauté internationale dans son ensemble. Même les immunités dont bénéficie le chef de l’Etat à titre personnel ont vu le jour non pas pour le bénéfice personnel des souverains mais afin de leur permettre d’exercer comme il convient leurs fonctions officielles et de représentation.

 

Toutefois, la représentativité du chef de l’Etat devrait cesser lorsque ce dernier agit à titre privé ou, en cas de cessation de ses fonctions, à moins que les considérations d’ordre politique ne viennent s’en mêler, le problème ne peut, en effet, être abordé que sous l’angle du compromis politique si l’on est animé par le souci de préserver de bonnes relations amicales entre les Etats en évitant les tensions au conséquences politiques imprévisibles.

 

Il reste, cependant, la possibilité de lever l’immunité de l’ancien chef d’Etat lorsque l’action est intentée contre lui par l’Etat lui-même. C’est le cas de Pinochet qui vient de faire l’objet d’une décision du 12 octobre courant prise par la cour suprême du Chili lui enlevant son immunité d’ancien chef d’Etat dans le cadre d’un dossier de fraude fiscale portant sur l’existence de comptes bancaires secrets à l’étranger. Cette décision qui confirme un verdict similaire de la cour d’appel de Santiago en septembre ouvre la voix à un jugement de Pinochet pour cette affaire. Il est à rappeler que le 14 septembre dernier, la cour suprême du Chili avait déjà lever l’immunité pour un autre dossier portant sur des violations des droits de l’Homme.

 

Le système immunitaire est remis en cause lorsque le Chef de l’Etat est soupçonné d’avoir commis des crimes internationaux. En l’état actuel du droit positif, il s’agit des crimes contre l’humanité, du génocide, des crimes de guerre et d’agression. Mais l’implication du chef de l’Etat ne se pose, en l’état actuel, que dans le cadre de la responsabilité internationale des individus. C’est le traité de Versailles qui en 1919 et, pour la première fois, a prévu dans son article 227 la mise en jugement de Guillaume II ex- empereur d’Allemagne.

 

Il a fallu attendre l’année 1945 pour voir apparaître l’accord de Londres, premier texte juridique obligatoire sur la responsabilité internationale de l’individu applicable au chef de l’Etat.

 

La responsabilité individuelle se retrouve également dans les statuts des tribunaux pénaux internationaux ad- hoc pour l’ex-Yougoslavie et pour le  Rwanda qui prévoient que la qualité officielle d’un accusé, soit comme chef d’Etat ou de gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale et n’est pas un motif de diminution de la peine.

 

Mais l’avènement de la CPI dont le statut fut adopté à Rome en 1998 constitue la principale expression de ce principe. L’article 27 de ce statut confirme le défaut de pertinence de la qualité officielle.

 

Le statut de la CPI qui est entré en vigueur en 2002, rencontre une opposition de la part de certaines grandes puissances comme les Etats-Unis d’Amérique et la Chine, mais ceci ne réduit en rien l’importance de cette institution qui finira tôt ou tard par s’imposer.

 

Nous avons retenu l’affaire Pinochet, à travers les décisions de la chambre des Lords britannique, pour tenter de savoir si des crimes internationaux pouvaient être considérés comme des actes de la fonction qui seraient couverts par l’immunité matérielle dont bénéficie l’ancien chef d’Etat, et si l’affirmation du principe de l’absence d’immunité en la matière suffisait pour assurer la poursuite d’un chef d’Etat par des autorités judiciaires autres que celles de son propre pays.

 

Le droit international introduit une répression universelle pour les crimes internationaux fondée sur le principe de compétence universelle qui est l’aptitude reconnue aux tribunaux de tout Etat à juger des faits commis à l’étranger quels que soient le lieu de l’infraction et la nationalité de l’auteur ou de la victime.

 

Toutefois, l’utilité d’un tel principe ne doit pas en masquer les inconvénients qui en entravent l’application et qui sont d’ordre à la fois matériel, juridique et surtout politique.

 

La Belgique donne l’exemple d’un pays qui a fait entrer dans sa plénitude le principe de la compétence universelle au sein de sa législation nationale en se dotant en 1993 d’une loi relative à la répression des infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 1949 et à ses deux protocoles additionnels. Cette loi fut étendue en 1999 aux crimes contre l’humanité et le génocide bien que les conventions ne les mentionnent pas comme pouvant faire l’objet d’une répression sur la base de la compétence universelle. Un paragraphe 3 fut, en outre, ajouté à l’article 5 de la loi pour exclure toute immunité.

 

L’entrée en vigueur de cette loi n’a pas manqué de déclencher de nombreuses poursuites à l’encontre de chefs d’Etat et de gouvernement étrangers dont on citera notamment Saddam Hussein, Lorent Gbagbo et Ariel Sharon.

 

La nouvelle loi adoptée en 2003 a réduit sensiblement le champ d’application des poursuites désormais limité aux affaires ayant un lien de rattachement avec la Belgique. Cependant, les modifications apportées n’affectent en rien le cas de l’ex- président du Tchad Hissène Habré du fait que l’instruction avait déjà commencé et que des victimes de nationalité belge ont porté plainte. Un mandat d’arrêt a été, du reste, lancé le 19 septembre 2005 et les autorités belges ont adressé au Sénégal une demande officielle d’extradition.

 

L’Espagne n’a pas jugé utile, quant à elle, de prendre en considération le lien de rattachement, puisque la décision de la cour constitutionnelle en date du 26 septembre 2005 ayant, en effet, autorisé les poursuites pour crimes contre l’humanité ou génocide par les juridictions espagnoles y compris dans les cas où il n’existe aucun lien de rattachement avec l’Espagne.

 

Nous pensons que, dans la mesure où le crime ne doit pas rester impuni et où le criminel ne doit pas trouver refuge dans un lieu aussi retiré soit-il à travers le monde, le système de la compétence universelle pourrait se concevoir comme une soupape de sécurité pour les victimes en se substituant à la cour pénale internationale si celle-ci ne se saisissait pas, pour une raison quelconque, du procès. Ceci moyennant seulement les deux conditions suivantes :

 

- Les intérêts du pays poursuivant ou de l’un de ses ressortissants sont lésés.
- L’accusé, c’est-à-dire le chef de l’Etat n’est pas couvert par l’immunité.
 

Il est évident que la poursuite des chefs d’Etat devant les tribunaux internes étrangers demeure délicate car elle montre la difficulté de concilier deux impératifs aussi légitimes l’un que l’autre ; d’une part, le devoir de lutter contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves et, d’autre part, le besoin de garantir la stabilité et la prévisibilité des relations internationales.

 

L’acte d’accusation lancé le 22 mai 1999 contre Slobodan Milosevic alors qu’il était chef d’Etat en exercice de la Yougoslavie et sa comparution, le 3 juillet 2001, devant le tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie marquent une avancée majeure dans la lutte contre l’impunité et confirment, sans doute, l’idée selon laquelle le tribunal international est l’organe le mieux approprié pour de tels procès.

 

Seulement, la CPI se heurte déjà à des restrictions qui ne manquent pas de l’éloigner de l’objectif recherché.

 

Faut-il espérer que de tels obstacles susceptibles d’empêcher le démarrage et le fonctionnement de la dite cour , car émanant de pays influents de l’envergure des EU et de la chine, finiront par être surmontés pour faire évoluer le droit pénal international et mettre un terme au recours aux moyens illicites auxquels nous assistons actuellement comme en Afghanistan et en Irak. Signalons, à propos de l’Irak, que le procès de Saddam Hussein s’est ouvert le 19 du mois en cours devant un tribunal spécial irakien et déjà, des contestations s’élèvent quant à la légalité du procès. Au cours de la première audience qui n’a duré que 3 heures, Saddam Hussein, accusé de crimes contre l’humanité, a récusé le tribunal et ses juges arguant de son immunité de chef d’Etat et déclarant notamment que ce qui est bâti sur l’illégitimité est nul. Le procès a été ajourné au 28 novembre 2005.

 

Il est évident que les Etats qui sont hostiles au CPI ne résisteront pas éternellement aux pressions internationales sans s’exposer au risque de voir leur crédibilité entamée. Il est, en effet, plus embarrassant pour un pays récalcitrant d’avoir à affronter une institution existante en s’écartant de la légalité que de justifier l’illégalité  par l’absence d’une telle institution.

 

Il apparaît à la lumière des analyses objet de ce modeste travail que la personne du chef de l’Etat ne saurait se dissocier de l’Etat lui-même dans les relations internationales. D’où la généralisation de l’immunité à l’acte public et à l’acte privé ; sans quoi le pays poursuivant verrait ses relations se détériorer avec le pays auquel appartient le chef d’Etat incriminé, voire les pays qui lui sont alliés.

 

Il n’en est pas de même pour l’ancien chef d’Etat qui devrait être poursuivi pour des actes commis à titre privé aussi bien à l’intérieur de son pays qu’au niveau international lorsque l’acte occasionne des dommages à un citoyen du pays étranger.

En ce qui concerne les crimes de droit international, seuls les textes internationaux priment. Une fois ces textes en vigueur, nul ne peut y échapper, chef d’Etat comme ancien chef d’Etat à condition que les crimes commis soient en parfaite concordance avec ceux énumérés par les textes internationaux afin d’éviter toute interprétation abusive notamment lorsqu’il s’agit de terrorisme, sujet d’actualité.

 

Bien que l’enjeu politique pèse lourdement sur les décisions relatives à l’immunité et au cours normal de la justice, il n’en demeure pas moins indispensable de doter la communauté internationale d’un dispositif législatif aussi complet que possible.

 

Face à la diversité des cas analysés et au traitement spécifique dont chacun a été l’objet, il est, en l’état actuel du droit positif constitutionnel et du droit positif international, impossible de dégager ne serait-ce que les jalons d’une théorie générale de la responsabilité du chef de l’Etat. La question reste pour le moment trop marquée par les contingences. Cependant, une chose est sure, le principe de l’irresponsabilité du chef de l’Etat en droit constitutionnel et en droit international a vécu mais le principe de la responsabilité n’est pas encore assis.

 

 

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Introduction

   

    I- Définition du chef de l’Etat

    II- Le statut du chef de l’Etat
        A- L’irresponsabilité de principe du chef de l’Etat

        B- La consécration du principe de l’irresponsabilité
            1/ Dans les régimes monarchiques
            2/ Dans les régimes républicains


    III- Le système de responsabilité du chef de l’Etat
        A- Définition de la responsabilité
        B- Les différents aspects de la responsabilité

 

Première partie
La responsabilité du chef de l’Etat au niveau national


Chapitre premier Une responsabilité constitutionnelle à caractère politico-pénal
 

    Section I L’engagement de la responsabilité du chef de l’Etat : un champ d’intervention imprécis


           
Paragraphe I
L’engagement de la responsabilité du chef de l’Etat pour les actes inhérents à ses fonctions
           
                A- Enumération des infractions
                    1/ La haute trahison et les atteintes à la constitution
                    2/ Autres crimes et délits

                B- Portée politique de ces infractions
                    1/ Absence de définition
                    2/ Propositions de définitions
                        a- Propositions législatives
                        b- Propositions doctrinales
                    3/ Caractère politique incontournable


Paragraphe II
L’engagement de la responsabilité du chef de l’Etat pour les actes non liés à l’exercice de ses fonctions
 

                A- La notion d’actes étrangers aux fonctions
                        1/ Flou de la notion
                        2/ Illustrations pratiques
                            a- Antérieurement à leur mandat
                            b- Au cours de leur mandat

                B- Tentative de définition
                        1/ Propositions doctrinales
                        2/ Réponses jurisprudentielles
                            a- Réponse de la jurisprudence française
                            b- Réponse de la jurisprudence américaine
                        3/ La gravité de l’acte, facteur déterminant pour la mise en œuvre de la responsabilité du chef de l’Etat

 

 

Section II La mise en œuvre de la responsabilité du chef de l’Etat : les contraintes d’ordre politique

 

Paragraphe I L’accusation
 

            A-Examen des dispositions constitutionnelles
 

            B-Examen pratique des cas français et américain
                    1/ Etude de l’exemple français
                    2/ Etude de l’exemple américain

Paragraphe II
L’instruction

 

            A- Convocation comme témoin et prestige de la fonction : l’exemple français
                    1/ La commission d’instruction : composition et pouvoirs
                        a- Composition
                        b- Pouvoirs de la commission
                    2/ La convocation du président Chirac comme témoin
                    3/ Risques engendrés par le témoignage du président
 

            B- Procureur indépendant et privilège de l’exécutif : l’exemple américain
                    1/ L’institution de procureur indépendant
                        a- Création de l’organe
                        b- Ses pouvoirs
                        c- Ses dérives
                    2/ Le témoignage du président et la question du privilège de l’exécutif
                        a- Notion du privilège de l’exécutif
                        b- La consécration jurisprudentielle de la notion et de ses limites

Paragraphe III
Le jugement
 

            A- La spécificité de la juridiction de jugement
                    1/ Spécificité de la juridiction de jugement et actes de la fonction
                        a- Objections à la spécificité de la juridiction de jugement
                        b- Nécessité d’une juridiction spécifique
                        c- Les modèles de juridiction
                            c.1 Cour ou tribunal suprême
                            c.2 Juridiction constitutionnelle
                            c.3 L’une des deux chambres au parlement
                            c.4 Organe ad hoc
                    2/ Spécificité de la juridiction de jugement et actes détachables des fonctions
                        a- Opinions doctrinales divergentes
                        b- La question du privilège de juridiction sous la Vème République en France : lecture liée ou séparée de l’article 68 de la constitution ?
                            b.1 La lecture des deux phrases à la fois
                            b.2 La lecture de chaque phrase prise séparément
                            b.3 Proposition de solution
          

            B- Les compétences de la juridiction de jugement
                    1/ La qualification des faits
                    2/ La sanction
                        a- La révocation
                        b- La révocation et les poursuites pénales

 

Chapitre deuxième Une responsabilité extra constitutionnelle devant le peuple

Section I L’élection du chef de l’Etat au suffrage universel, fondement de sa responsabilité politique

 

Paragraphe I L’investiture populaire du chef de l’Etat
 

            A- L’élection du chef de l’Etat au suffrage universel indirect
                    1/ Le système américain
                    2/ Le système finlandais
                    3/ Le système d’élection en France jusqu’à 1962
 

            B- L’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct
                    1/ Le rejet de l’élection au suffrage universel en 1958
                    2/ La réforme constitutionnelle de 1962
                        a- L’avènement de la réforme
                        b- La réforme à pied d’œuvre

Paragraphe II
Les conséquences de l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel
 

          A- L’élection au suffrage universel légitime le rôle du chef de l’Etat
                    1/ Légitimité et légalité
                    2/ Légitimité et représentativité
                    3/ Légitimité et pouvoirs
 

            B- L’élection au suffrage universel oblige le chef de l’Etat


 

Section II La mise en œuvre de la responsabilité du chef de l’Etat devant le peuple


 

Paragraphe I La confiance refusée de façon directe
 

            A- Les moyens formels de mise en jeu de la responsabilité du chef de l’Etat
                    1/ La non réélection : vraie ou fausse sanction ?
                        a- Les divergences doctrinales
                            a.1 La responsabilité est engagée
                            a.2 La responsabilité n’est pas engagée
                        b- Les corollaires de la réélection
                            b.1 Le mandat renouvelable
                            b.2 Le mandat limité
                    2/ Lors d’une consultation référendaire
 

            B- Les moyens informels de mise en jeu extra juridique de la responsabilité du chef de l’Etat
                    1/ Le mécontentement populaire en Asie
                        a- La destitution du Chah d’Iran
                        b- Le renversement de Suharto et de Wahid en Indonésie
                    2/ Le mécontentement populaire en Europe et en Amérique latine
                        a- En Europe
                        b- En Amérique latine
 

Paragraphe II La mise en œuvre indirecte de la responsabilité du chef de l’Etat devant le peuple
 

            A- La divergence entre le chef d’Etat et le parlement entraînée par une alternance relative au pouvoir
                1/ Dans les régimes présidentiels
                2/ Dans les régimes semi-présidentiels
 

            B- La cohabitation en France
 

            C- Des avis partagés sur la cohabitation
                1/ Contre la cohabitation
                    a- La démission du chef de l’Etat
                    b- La grève des ministrables
                2/ Pour la cohabitation
                3/ Les trois cohabitations et leurs incidences sur la responsabilité du chef de l’Etat
 

        Conclusion de la première partie


 

Deuxième partie
La responsabilité du chef de l’Etat au niveau international

 


Chapitre premier De l’immunité du chef de l’Etat à sa responsabilité au niveau international : une lente évolution

 

Section I La conception classique de l’immunité du chef de l’Etat
 


Paragraphe I
Le principe général de l’immunité du chef de l’Etat
 

            A- La notion d’immunité
                1/ L’immunité d’exécution
                2/ L’inviolabilité personnelle
                3/ L’immunité de juridiction
           

            B- Sources et fondement de l’immunité
                1/ Sources de l’immunité
                    a- Les sources nationales de l’immunité
                    b- Les sources internationales de l’immunité
                        b.1 Les sources conventionnelles
                        b.2 Le droit coutumier
                2/ Fondement de l’immunité du chef de l’Etat
                    a- Fondement général de l’attribution de l’immunité
                        a.1 L’idée de sacralité du chef de l’Etat
                        a.2 L’idée de représentation
                        a.3 L’intérêt de la fonction
                    b- L’identification du chef de l’Etat bénéficiaire de l’immunité

Paragraphe II
Le régime des immunités applicable au chef de l’Etat
 

            A- L’immunité du chef de l’Etat en exercice
               1/ L’immunité de juridiction pénale
               2/ L’immunité de juridiction civile et administrative
                   a- L’immunité concernant les actes de fonction
                   b- L’immunité concernant les actes privés
 

            B- L’immunité de l’ancien chef d’Etat
                1/ La problématique des actes de la fonction
                2/ L’absence d’immunité de l’ancien chef d’Etat pour ses actes privés
                3/ La question de la levée de l’immunité de l’ancien chef d’Etat par son propre Etat
                    a- La théorie de l’act of state
                        a.1 Les prétentions du gouvernement philippin et la décision de la cour de district dans l’affaire Marcos
                        a.2 La décision de la cour d’appel
                    b- La théorie du forum non conveniens
                        b.1 Conditions d’application
                            * La compétence du for choisi
                            * L’existence d’un for alternatif
                            * Le for alternatif est plus approprié que le for choisi
                        b.2 Cas pratique d’application : l’arrêt Islamic Republic of Iran v. Pahlavi
                    c- Le principe selon lequel il ne sied point qu’un tribunal donne effet aux demandes de droit public d’un Etat étranger
                        c.1 Contenu du principe
                        c.2 L’arrêt Consorts Duvalier et autres contre Etat haïtien et autres
                            * Cadre général de l’affaire et décisions des juridictions inférieures
                            * L’arrêt de la cour de cassation

 

Section II La remise en cause de l’immunité du chef de l’Etat pour les crimes internationaux : vers une responsabilité pénale internationale

 

Paragraphe I Les caractères de cette responsabilité.

Paragraphe II
La formulation de cette responsabilité

 

                A- La consécration du principe de l’absence d’immunité en matière de crimes internationaux à l’issue de la première guerre mondiale
                B- La consécration du principe de l’absence d’immunité lors des procès de Nuremberg et de Tokyo
                C- La consécration du principe de l’absence d’immunité en matière des crimes internationaux dans les différents instruments internationaux de l’après guerre
                D- La consécration du principe de l’absence d’immunité en matière des crimes internationaux dans l’ordre juridique actuel

Paragraphe III
Les actes engageant la responsabilité du chef de l’Etat au niveau international

 

                A- Identification des crimes internationaux
                    1/ Les crimes contre l’humanité
                        a- Contours de ces crimes
                        b- Caractères de ces crimes
                    2/ Le génocide
                    3/ Les crimes de guerre
                    4/ Le crime d’agression
               

                B- Qualification des crimes internationaux du chef de l’Etat : actes détachables ou rattachables aux fonction ?
                    1/ Affaire Pinochet : bref rappel des faits
                    2/ Les décisions de la chambre des Lords

 

Chapitre deuxième L’efficience des moyens mis en œuvre

 

Section I La mise en œuvre de la responsabilité du chef de l’Etat par les tribunaux nationaux d’Etats étrangers : portée de la compétence universelle

 

Paragraphe I Origine et développement de la compétence universelle
 

                A- Origines de la compétence universelle : un concept tourmenté

               

                B- Développement de la compétence universelle
                    1/ Les dispositions conventionnelles et législatives consacrant la compétence universelle
                        a- Les dispositions conventionnelles
                        b- La pratique législative
                            b.1 Les Etats qui disposent d’une norme interne de mise en œuvre des obligations qui découlent des conventions internationales :
                                 les cas d’interprétation restrictive
                            b.2 La compétence universelle en dehors de toute obligation conventionnelle
                                    * L’étude du cas espagnol
                                    * L’étude de la loi belge

Paragraphe II
La compétence universelle à travers la jurisprudence
 

                A- La compétence universelle dans la jurisprudence des tribunaux internes étrangers
                    1/ La compétence universelle et les anciens chefs d’Etat
                        a- Le cas Pinochet
                            a.1 Exposé des  faits et procédure
                            a.2 Compétence des tribunaux espagnols
                            a.3 Le problème de la qualification des actes
                            a.4 Les décisions de la chambre des Lords
                                * La décision du 25 novembre 1998
                                * La décision du 24 mars 1999
                        b- Le cas Habré
                    2/ La compétence universelle et les chefs d’Etat en exercice : le cas Kadhafi
                        a- Exposé des faits et procédure
                        b- L’arrêt de la cour d’appel
                        c- L’arrêt de la cour de cassation
 

                B- La question de la compétence universelle devant la cour internationale de justice : affaire Yerodia
                    1/ Faits de l’espèce et procédure
                    2/ Le fond de l’arrêt

Paragraphe III
Approche critique de la compétence universelle

 

Section II La mise en œuvre de la responsabilité du chef de l’Etat par les tribunaux internationaux : une efficacité variable

 

 

Paragraphe I L’expérience des tribunaux internationaux crées durant les première et deuxième guerres mondiales : reflet de la justice des vainqueurs
 

                A- Le procès manqué de Guillaume II
 

                B- Les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo
                    1/ Le tribunal militaire international de Nuremberg
                    2/ Le tribunal militaire international de Tokyo

Paragraphe II
Les tribunaux ad hoc dans l’ordre juridique actuel : une solution limitée
 

                A- Principaux tribunaux ad hoc
               

                B- La question de la validité de la création de ces tribunaux
               

                C- La mise en œuvre de la responsabilité du chef de l’Etat devant le T.P.I.Y. : le procès Milosevic

Paragraphe III
La cour pénale internationale : est-ce le bout du tunnel ?
 

                A- Le processus de création de la cour
               

                B- Structure et fonctionnement de la cour
                    1/ Structure de la cour
                    2/ Fonctionnement de la cour
                        a- Compétence de la cour
                        b- Saisine de la cour
                            b.1 Saisine par un Etat partie
                            b.2 Saisine par le conseil de sécurité
                            b.3 Saisine par le procureur
                        c- Les rapports entre la cour pénale internationale et les juridictions nationales
                            c.1 Le principe de complémentarité
                            c.2 L’obligation de coopération
 

                C- Les problèmes liés à la ratification du statut de la cour pénale internationale
                    1/ Les problèmes résultant de la contradiction entre le statut et certaines dispositions constitutionnelles
                    2/ Le refus de ratification

 

 

 

Conclusion de la deuxième partie
 

Conclusion générale